20 Octobre 2000
Monsieur le Président,
Nous souhaiterions, d'abord, saluer la remarquable intervention du
Secrétaire-Général en ouverture de cette discussion et dire toute
notre reconnaissance à sa vision, son autorité morale, son
leadership et à son oeuvre de paix qu'anime un souffle inégalable.
M. Kofi Annan est l'architecte du dernier sommet de Sharem-El-
Scheikh, acte salutaire s'il en fut, pour se dégager de la
confrontation et émerger à un espace de dialogue et à une logique
de paix retrouvée.
Nous souhaiterions aussi saluer l'action aussi reponsable que
constante du Président égyptien, M. Hosni Mubarak. La prise de
position hier en vue du Sommet de la Ligue Arabe, rejetant toute
tentation à une perspective de conflit armé, consistant à faire taire
les voix belligérantes pour leur substituer la voie de la raison et du
dialogue, est une position courageuse mise au service de la paix.
Ainsi l'Égypte et le Président Mubarak s'imposent en axe majeur
dans l'installation d'une coexistence nécéssaire entre arabes et juifs
au Moyen-Orient. Nous souhaiterions, enfin, dire notre entière
admiration au président des États-Unis d'Amerique, M. Bill Clinton,
pour son incomparable investissement, sa généreuse présence, sa foi
inébranlable dans la paix nécessaire et inéluctable entre Israel et ses
partenaires régionaux, palestiniens et arabes.
Monsieur le Président,
Permettez-moi, à ce stade, quelques remarques liées à cette
discussion et à la résolution qui en résulte. Nous aurons noté la
récurrence, voire même la lancinante insistance sur la notion de
Territoires Occupés. Soulignons d'abord, pour ne jeter le trouble
dans un aucun esprit, que depuis la signature des Accords d'Oslo,
l'État d'Israël adhère, selon des modalités consenties, à une logique
et une politique de non occupation concrétisées par des
redéploiements territoriaux incluant, à l'heure actuelle, près de la
moitié de l'ensemble des Territoires. Notons encore, pour défendre
et illustrer l'oeuvre de paix israélienne, que l'audacieuse politique du
premier ministre Ehud Barak, saluée en ces lieux mêmes lors du
Sommet du Millénaire, renforce la logique du compromis territorial
dans une ampleur inédite et incomparablement significative quant à
un statut définitif juste pour les uns comme pour les autres.
Pour autant, et devant le procès généralisé fait à Israël pour
l'occupation de Territoires, il nous faudra impérativement rappeler
que cette occupation n'est pas tombée comme une foudre du ciel.
Elle est le résultat, et de surcroît dans une stricte relation de cause à
effet, d'une agression aussi ample que concertée visant la
dislocation pure et simple d'Israël en juin 1967. Ajoutons encore
qu'entre l'avènement de l'État d'Israël en 1948 et la tentative
avortée de son annihilation en 1967, d'autres puissances qu'Israël
auront exercées, sinon leur occupation du moins leur présence et
leur souveraine responsabilité sur ces mêmes Territoires. À titre de
simple rappel, il y a lieu de réiterer ce fait révélateur : ce n'est que
sous l'administration israélienne qu'aura émérgé, depuis les Accords
d'Oslo, le principe de compromis territorial avec les Palestiniens.
Monsieur le Président, chers Collègues,
Vous n'êtes pas tenu, loin s'en faut, de me croire sur parole quant au
constat que je m'en vais faire. Et pour cause, puisque je souhaite à
cette confluence précise solliciter un illustre disparu, en l'occurence
l'ancien Président de la République Française, M. François
Mitterrand. Je le fais avec d'autant plus de motivation que notre
collègue lybien, brillant rhéteur par ailleurs, s'est livré à une
magistrale et pourtant scandaleusement fausse leçon sur l'histoire,
la géographie et la sociologie d'Israël et des juifs.
Le 20 mai 1992 j'eus l'insigne privilège de remettre à François
Mitterrand mes lettres de créance en qualité d'Ambassadeur
d'Israël en France. Un entretien d'une vingtaine de minutes s'en est
suivi, sur la situation en Israël et au Moyen-Orient. Ainsi parla
François Mitterrand : "les Territoires que l'on qualifie d'ordinaire
les Territoires Occupés je préfère, quant à moi, les nommer
Territoires Disputés. Oui, ajouta Mitterrand, je reconnais à Israël
le droit à une dispute au sens philosophique et historique, non point
sur le plan militaire, tant les droits historiques du peuple juif
s'enracinnent profondément dans ces territoires -- haut-lieu de son
avénement et de son rayonnement.
Cependant, conclua Mitterrand, vous avez un problème : plus de
deux millions de palestiniens y vivent. Ces palestiniens ont droit à
leur structure étatique. Ce n'est pas à moi d'en dessiner les
frontières; cela est à régler entre vous et les palestiniens et je vous
engage à adopter cette solution" Fin de citation.
François Mitterrand, promeneur biblique assermenté,
exceptionnellement sensible aux exhalaisons du texte fondateur du
peuple juif et de son parcours historique, ne pouvait en effet faire
l'impasse sur l'inscription d'un droit ancestral d'Israël sur ce qui fut
de nombreux siècles durant la Judée. D'ailleurs, au-delà de ce
modeste témoignage personnel, François Mitterrand aura légué à
l'histoire -- et de nombreux documents et textes officiels en attestent
-- sa vision des Territoires Disputés. C'est précisément à Camp
David, après le tournant historique d'Oslo et les réalisations
politiques qu'il a générées, que nous nous apprêtions à nous livrer à
cette sage et incontournable "dispute". C'est-à-dire à la
négociation ouverte et résolue, pour projeter concrètement les
fondements d'un statut définitif entre nous et les Palestiniens par où
François Mitterrand et sa succession directe auraient pu
reconnaître l'ossature de sa philosophie politique. Oui, nous
estimons que le gouvernement Barak a pris tous les risques
possibles -- y compris ceux de sa propre dissolution politique -- pour
aboutir à la fin du conflit israélo- palestinien. En place et lieu d'une
vraie décision palestinienne, à la hauteur des aspirations du peuple
palestinien, le Président Arafat a choisi d'embraser les Territoires
et de destabiliser la région à cause de son incapacité à répondre à
l'appel de l'Histoire. Plutôt que de gérer le devenir d'un peuple dans
ses frontières définitivement consenties et reconnues, le Président
Arafat s'adonne au culte de la condamnation d'Israël glanant
résolution sur l'autre, déclinant un sommet après l'autre. Mais c'est
au sommet de l'Histoire qu'il devrait pouvoir se hisser. Hélas, c'est
à ce niveau que la vraie résolution vient à manquer.
Monsieur le Président,
La résolution issue de ce débat, nous l'avons déjà dit, nous la
rejetons catégoriquement. En dépit de quelques relents
modérateurs qu'ici ou là des bonnes volontés réunies dans un effort
soutenu ont essayé de lui apporter cette résolution incarne toujours
l'arbitraire, l'inique et le partial. Elle ne souffle mot sur
l'éviscération sauvage de deux militaires israéliens à Ramallah. Le
défilé de la honte, la procession sanglante des cadavres israéliens
mutilés dans l'arène de Ramallah n'imprègne donc en rien la
résolution et inspire si peu ses signataires. Silence, aussi sur la
profanation de Lieux Saints juifs. Cette résolution, nous l'avons dit,
est un brevet de respectabilité decerné à l'instinct primaire et au
déchaînement profanateur. Elle est sans doute un message négatif
à la volonté d'ouverture et de paix du peuple israélien dans sa
majorité.
Elle marque un profond recul dans la dynamique de paix et sème le
doute majeur quant à la capacité des Palestiniens à se poser en
partenaires résolus de paix et de réconciliation.
À ce titre, et pour les graves déficiences et iniquités qu'elle recèle,
ainsi que pour les néfastes dysfonctionnements qu'elle instaure dans
la relation israélo-palestinienne, nous rejetons catégoriquement
cette résolution.
Certes nous ne restons pas indifférents, s'agissant de l'Organisation
des Nations Unies, à la voix qualitative, mesurée, source
d'espérance, du Secrétaire-Général Kofi Annan. Par sa retenue, sa
résonance salubre et digne, la voix pondérée du Secrétaire-Général,
comme celle d'ailleurs de Si Ahmed Snoussi, Ambassadeur de Sa
Majesté Mohammed VI, Représentant Permanent du Royaume du
Maroc, marque assez sa distance par rapport à la majorité retenue
pour cette résolution.
Nous remercions évidemment les états membres, épris de justice et
de paix, qui ont fait le choix courageux de s'opposer dans la pleine
mesure ou dans la demi-mesure à cette résolution résolument inutile.
Enfin, au-delà de nos réserves marquées quant à la procédure
défectueuse ayant régi la convocation de cette Session Spéciale,
nous sommes au regret de devoir déplorer la fin de non recevoir
opposée à notre demande de lever la séance à 18 heures dans le
respect de la célébration de la fête juive de Souccoth et la sainteté
du shabbat. À cet égard, les modalités retenues pour d'autres
confessions ne le furent pas pour la délégation israélienne.
Nous en prenons note comme un regrettable accroc à une
confession soeur des deux autres monothéismes.
Merci, Monsieur le Président.